Nous ne reconnaissons plus les races animales

camodifdoc/20012011

 

Paragraphe repris dans le livre de Michel Serres (philosophe, académicien), Hominescence.

 

 

Pour nourrir une population croissante, l'alimentation artificielle dans des élevages intérieurs d'animaux sélectionnés commença dès le 19 ème siècle dans l'Angleterre de Darwin.

Mais de fréquentes épizooties firent échouer ces tentatives de sorte que la révolution généralisée de l'élevage date, comme il fallait s'y attendre, de la Seconde Guerre mondiale.

Désormais, ce que l'on appelle l'agro-alimentaire industriel, nom trop général pour qu'il recouvre toutes les situations, prend définitivement la place de la domestication que je viens de décrire. Avant même que l'on modifie le génome des vivants, les zootechniciens eux-mêmes ne savaient plus, dès les années 1980, reconnaître poule, porc, dindon ni vache. Façonné par des croisements inspirés de la génétique des populations, affiné par le rendement, affiché en publicité, aseptisé par la précaution, écrasé d'administration, l'animal domestique paraît, dès cette époque, aussi changé que son maître.

Je me souviens de la date où je dus courir tout le département* pour trouver une poule qui sache couver après la ponte.

Les bêtes changeaient de corps comme nous.

Et nous changions de monde, ensembles.

 

*le Lot-et-Garonne (note de Christian)