La pollution dans l'assiette

ca/ArticleSODdu06032011

 

La pollution dans l'assiette

 

Peut-on les croire, ces experts qui nous laissent consommer les fruits et légumes de l'agriculture industrielle?
Ne sont-ils pas les clones de ceux qui, hier, affirmaient l'innocuité de la cigarette, la banalité de l'amiante, l'innocence du plomb?
Au terme d'une longue enquête, l'auteur et réalisatrice Marie-Monique Robin démolit nombre de leurs certitudes dans un livre et un film argumentés : "Notre poison quotidien".
Chaque année, rappelle-t-elle, plus de 400 000 tonnes de pesticides, fongicides, herbicides, insecticides sont vaporisés sur les sols cultivés européens.
Or ce Niagara chimique, dont de plus en plus d'agriculteurs qui développent certaines maladies spécifiques sont les victimes, serait inoffensif à en croire agences et experts officiels. Pour preuve, disent-ils, on n'a jamais vécu aussi vieux. Ils oublient que, sans ces mixtures diaboliques, on pourrait éviter
nombre de cancers, limiter le développement de la maladie de Parkinson et même peut-être d'Alzheimer.
Les certitudes des savants reposent sur des postulats à propos desquels la réalisatrice a voulu des explications. Par exemple, celui de "dose journalière acceptable", indice sacré qui donne la quantité de poison que le corps humain peut ingurgiter sans danger.
Or, a-t-elle découvert, le mode de calcul de cet item (en psychométrie, chacune des questions d'un test ou d'un questionnaire) tient de l'arcane (qui est mystérieux).
"Cela fait vingt trois-ans que je m'occupe de l'autorisation des produits phytosanitaires, mais je ne me suis jamais demandé comment avait été conçu cet instrument". On restera donc dans l'opacité.

Ce mystère entretenu autour d'une donnée de base rend donc suspectes les assurances sur l'innocuité des poisons dispersés sur les cultures. En revanche, la corrélation historique est indéniable entre l'apparition des produits chimiques artificiels et l'augmentation des cancers. Ceux-ci ont été multipliés par deux dans l'Europe industrielle entre 1880 et 1900 alors que, pendant ce temps, leur nombre restait insignifiant dans les civilisations moins développées.
Curieusement, le même constat prévaut aujourd'hui. "90%  des cancers sont liés au mode de vie et à l'environnement", convient Christopher Wild", directeur du Centre international de recherche sur le cancer.
Pas de quoi inquiéter semble-t-il les agences et organismes officiels.
Leur quiétude est entretenue par des industriels de la chimie qui les inondent d'études orientées en faveur des cocktails qu'ils concoctent.
Cette pratique de l'enfumage est tellement répandue, qu'elle permet d'évacuer la question des risques supposés de l'aspartame*  ou des matières plastiques contenant du bisphénolA, pourvoyeur putatif de cancers. La sollicitude des chouchous de Wall Street pour ces agences et certains de leurs experts tient à l'enjeu : le seul marché annuel des pesticides pèse 25 milliards d'euros.
Mais les substances vendues pour ce prix colossal ne s'évanouissent pas. On les retrouve, comme le montrent les dernières études réalisées en Europe, sur les étals, en attendant qu'ils ne prennent le chemin de notre cuisine et de notre assiette.


* L'aspartame est un édulcorant artificiel découvert en 1965. C'est un dipeptide composé de deux acides aminés naturels. L'aspartame a un pouvoir sucrant environ 200 fois supérieur à celui du saccharose et est utilisé pour édulcorer les boissons et aliments à faible apport calorique ainsi que les médicaments.